Séjour en équipe aux Archives Nationales, Paris, avril 2025. Brève de dépouillements.
Du 22 au 29 mai, nous nous sommes données rendez-vous à Paris avec Élodie Bascoul et Méloé Maillard pour un séjour de dépouillement aux Archives Nationales (AN – Caran).
À l’occasion de précédents déplacements, guidée par les repérages antérieurs effectués par Marie Houllemare, j’avais commencé à dépouiller, inventorier et numériser une partie de la correspondance des héritières Fougeu et de leurs époux respectifs, Hubert de Brienne Conflans, comte de Conflans (1690-1777) et François Jean Charles de La Rochefoucauld de Maumont, marquis de Bayers (1724-1802). Face au volume des fonds, ne pouvant seule et en utilisant l’un des deux seuls numérisateurs de la salle de lecture du Caran, j’avais effectué une demande de numérisation aux AN. Elle a été refusée, car les cartons identifiés étaient trop volumineux. Il nous restait donc encore de nombreuses photographies à réaliser et un inventaire détaillé des pièces contenues dans ce fonds à finir !
J’avais également repéré, en lisant les inventaires du fonds de la Marine conservé aux AN, la présence de papiers privés de Jean Nicolas Bréard (1739-?), commissaire de la marine à la Martinique à partir de novembre 1767, fils de Nicolas Marcellin Bréard (1714-1785), trésorier général de la Marine entre 1758 et 1768 (Image 1), qui me paraissaient prometteurs. Il fallait donc que je me déplace pour voir ce qu’il en était !

De son côté, Élodie Bascoul avait repéré dans les fonds de la Marine des dossiers de déserteurs, de chiourmes qui pouvaient l’intéresser pour son doctorat. Le fonds MAR/C/7 semble avoir été créé artificiellement, en parallèle du fonds du personnel colonial ancien (COL E) conservé aux Archives nationales d’Outre-Mer (ANOM), le premier contenant a priori les dossiers des agents de la Marine ayant eu une carrière plus “métropolitaine”, et le second ceux qui ont occupé des fonctions “outre-mer”. Nous désirions ouvrir ces cartons afin d’évaluer leur contenu et identifier si nous ne trouvions pas facilement des dossiers judiciaires dans le fonds MAR/C/7. Ce dernier a été inventorié dossier par dossier (de MAR/C/7/1 à MAR/C/7/89 et de MAR/C/7/90 à 102) et numérisé en partie (MAR/C/7/1 de MAR/C/7/101/A) par les conservateur·rices des AN. Des volontaires ont de leur côté numérisé d’autres cartons, disponibles sur geneawiki. On y trouve également l’inventaire n°525 contenant la “Liste alphabétique et généalogique des officiers de la Marine et des galères (1680-1750)” (A à LAD et LAE à Z), qui est bien plus évasif que les deux inventaires numériques des AN.
Enfin, Méloé Maillard, qui prépare son sujet pour son master, était intéressée par le dépouillement des fonds d’archives privées évoquant la situation ambivalente des gérants / économes de plantations.
Les commandes ont été effectuées en ligne une petite semaine avant le déplacement, un logement à Belleville a été réservé et l’équipe s’est retrouvée dès le mardi 22 avril au Caran. J’ai pu accompagner Élodie et Méloé dans leurs deux premières journées aux AN, une institution que je connais bien, car l’essentiel de la documentation de mon doctorat était issu de ces collections anciennes. Un voyage en archives s’accompagne d’un temps d’acclimatation et de compréhension du fonctionnement de l’institution. Méloé et Elodie ont vite pris leurs marques. Mettre son sac et son manteau dans un casier et ses affaires dans un sac en plexiglas digne d’un TP de technologie au collège, ne pas prendre de stylos à encre ni d’eau, monter au 1er étage, découvrir la salle de lecture, son guichet, ses agents, les règles un peu compliquées de communication… (par exemple, un carton commandé après 15h un jour J, arrivera l’après-midi au jour J+1, alors que si vous le commandez le matin le jour J+1, vous l’aurez à la prochaine levée … !), la pression subie quand on utilise les numérisateurs un peu trop longtemps, même si le second est disponible… les joies des pannes informatiques qui empêchent toute nouvelle commande (un câble a été sectionné lors de travaux dans les jardins de l’hôtel de Sully ! ), des cartons non disponibles, les microfilms …
Après un temps d’adaptation nécessaire, très vite, le rythme de croisière a été atteint. Nous nous sommes donc lancées dans nos tâches de dépouillement respectives : inventorier, numériser…
- Méloé a pu finir l’inventaire et la numérisation du fonds concernant la plantation des héritières Fougeu.
- J’ai de mon côté parcouru les archives privées de Jean Nicolas Bréard pour en saisir l’intérêt pour nos recherches : la correspondance entre Jean Nicolas et ses frères, notamment Jean Louis Alexandre de Bréard (1762-1831), officier dans la Marine royale, et de Marie Joseph Bréard de Bréville (1767-?), un temps économe d’une plantation à Jacmel, possédée par un certain Desmarattes. Le fonds contient également les États de dépense de la Marine à Rochefort, tenus par Nicolas Marcellin Bréard dans les années 1750-60, ou par ses prédécesseurs, qui détaillent les frais accordés aux différentes compagnies de soldats (voir Image 2) qui intéressent Élodie.

- Méloé a repris ensuite ces cartons de la famille Bréard pour continuer l’inventaire détaillé et les numérisations que j’avais commencées, ils n’ont pas pu être terminés avant notre départ le mardi 29 avril.
- Élodie a conduit divers dépouillements dans les différents fonds de la Marine (MAR/C, MAR/D, MAR/B, MAR/G) pour son doctorat.
- J’ai également réalisé des dépouillements aléatoires dans le fonds MAR/C/7 pour identifier la nature de son contenu.
À l’issue de cette semaine, avec Élodie, nous nous sommes rendu compte que les dossiers des agents conservés dans le fonds MAR/C/7 étaient bien moins intéressants et riches que ceux conservés aux ANOM sous la côte COL-E. Ainsi, nous allons pouvoir chercher à y retrouver les individus étudiés et identifiés dans nos corpus principaux (correspondances, COL-E), consulter les dossiers qui nous intéressent dans ceux qui ont été déjà inventoriés par les conservateur·rices des AN, mais un dépouillement systématique de ces cartons n’était ni efficace ni intéressant pour nos recherches.
Ce déplacement a été également l’occasion de participer au séminaire “Recherches sur le masculin” organisé par Patrick Farges, Pauline Peretz et Ivan Jablonka à l’ “Institut du Temps présent” (ihtp), où j’ai présenté le projet MEGV, le 28 avril à 14h. La discussion a été riche, et nous a offert de nombreuses nouvelles pistes de réflexion, comme l’idée de penser aux communautés juives qui occupent la Caraïbe française au XVIIIe siècle, ou, pour réfléchir à l’influence du retour de colons exercés à la violence dans les colonies en “métropole”, de parcourir l’historiographie qui traite du retour des colons algériens en France après la guerre d’indépendance algérienne.
Enfin, ce voyage a été l’occasion aussi de profiter de la vie du Marais, de Belleville et du 11ème arrondissement, de ces restaurants et de ces cafés avec Yvan Jauregui, doctorant à l’Unige en histoire moderne, que nous avons retrouvé au Caran, alors qu’il réalise un séjour de recherche à Paris.
Nos dépouillements n’étant pas tout à fait terminés (notamment ceux du fonds Bréard), c’est une affaire à suivre !
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Marion Philip (5 mai 2025). Séjour en équipe aux Archives Nationales, Paris, avril 2025. Brève de dépouillements. . Consulté le 19 juillet 2025 à l’adresse https://masculinites.hypotheses.org/800